Salon Maison & Objet : découvertes et étonnements

Septembre 2025

Je partage avec vous, à chaud, mes notes prises lors de mon passage chez Maison & Objet.
Mes coups de cœur, mes surprises, ce que j’ai vu, aimé, retenu…
Bonne lecture !

1- « Amélie Pichard vous invite à passer au salon »

Amélie Pichard

Pour celles et ceux qui l’auraient raté, c’était la baseline du Salon Maison & Objet de ce mois de septembre. Un jeu de mots qui fait sourire + qui fait écho à la personnalité décalée de cette ex-styliste qui se dit aujourd’hui “chercheuse”, tout simplement (elle a monté un studio créatif, son métier c’est désormais de chercher des talents et des idées).

Intéressant que le salon choisisse quelqu’un qui est plutôt anti-tendances : on dit d’Amélie Pichard qu’elle est “délurée”, “singulière”, “électron libre”, “qu’elle s’amuse des conventions et du mauvais goût” (“La vraie audace ce n’est pas de suivre les tendances, c’est d’être fidèle à sa vision, même quand personne n’y croit”).

Amelie Pichard cherchait un “objet” qui fasse “maison”. La théière.

En tant que Directrice Artistique de cette édition, pour le salon, elle nous ouvre une « maison inachevée et imparfaite », un parti pris plutôt rafraichissant dans un univers bien souvent trop léché et déconnecté de la réalité (l’éternel question quand je feuillette les magazines : mais qui donc achète cette table à 15 000€ et, juste à côté, ce canapé à 27 000€ ?). Pour le salon, elle imagine donc “Welcome home”, un espace scénographié comme une maison vivante, où chaque objet a été choisi parmi les 2 300 exposants de cette saison.

Elle questionne :
Pourquoi une maison devrait-elle être achevée alors que nous, les êtres humains, ne cessons de changer, d’évoluer, de nous transformer ?”
“À l’heure où partager une maison parfaite est devenu la norme,
n’est-ce pas un paradoxe que de figer l’endroit censé refléter le plus vrai de qui nous sommes ?

Amen ! Deux phrases que je garde en stock, pour justifier de manière philosophique ma rénovation qui s’éternise…

While curating “Welcome home” I reflected a lot on what curation means. I had to compose with the thousands of exhibitors already present. And I realised this exercise, choosing from a mass of objects, is what all of us do, in our own way. We must relearn how to build a personal eye, a personal style, on a world where our gaze is now shaped by algorithms. We think we are choosing freely, but we’re looking at the same things. Whereas the world, and the world of design, is much wider than that. That’s where the boldness lies : in relearning how to make our own choices”.

À la fin de cet article, vous trouverez d’autres idées et mindsets Made in Amélie Pichard.

2- Le temps passe, mais pas la mode des objets à message.

So 2015, et pourtant… impossible d’y échapper : coussins, assiettes, chaussettes, tote-bags… ils continuent de crier leur vérité. Deux clans s’affrontent : d’un côté, le camp “vie en rose” qui nous martèle que “la vie est belle” (“la belle vie”, “amour infini”, “passion”, “douceur”, “bonheur”, “create a life you love”, “more cheese please”…), de l’autre, le gang des rebelles qui envoie tout valser (“badass”, “fuck off”, “mother fucker”). Serait-ce le reflet du chaos de notre cerveau en ces temps troubles ? Peut-être. Bon, pour leur petite défense, ils sauvent toujours un Secret Santa, donc…

3- PEACE, écrit en ballons de céramique

Artiste Luisa Maisel

Et puis, au milieu de ce feu d’artifice de messages, un mot : PEACE. Bien sûr, s’il avait été imprimé sur une serviette ou sur un t-shirt, je serais passée sans m’arrêter. Mais là, sculpté en grandes lettres de porcelaine, travaillées avec soin dans la forme fragile et éphémère d’un ballon, le message prend une toute autre dimension. Contraste intéressant : délicatesse VS force, jeu VS gravité. Il devient un slogan subtil, qui résonne particulièrement par les temps qui courent.

Dommage de ne pas avoir croisé l’artiste, Luisa Maisel, qui semble avoir autant de personnalité que ses créations.

Luisa Maisel

4- Conversation inspirante avec Jasmin Castagnaro, derrière Laab.

Il y a quelques années, cette designeuse italienne plaque son job, où elle passait bien trop de temps scotchée à son ordi. Le dernier jour, en rentrant chez elle dans les rues de Bressanone, son village perché dans les Dolomites, elle shoote dans les tas de feuilles mortes, un brin énervée qu’elles soient sur son passage alors qu’elles devraient être ramassées. Ce jour-là, son collègue qui l’accompagne la met au défi d’en faire quelque chose. (Ça sent le storytelling à plein nez, mais je vous jure que c’est vrai).

Challenge accepted. Aujourd’hui, Jasmin (alias Miyuca) fabrique dans son atelier des lampes à partir de feuilles tombées, qu’elle mélange à une résine naturelle. Elle a mis des années à trouver la bonne recette pour que les abat-jour soient solides tout en étant éco-responsables. Un travail de dingue, une patience de dingue aussi. Et la satisfaction immense de créer avec une ressource naturelle qu’on piétine tous les jours.

Ses clients ? Des hôtels, des restos, mais aussi des particuliers qui veulent transformer les feuilles de leur propre terrain ou propriété en objets uniques.

Les feuilles viennent des arbres des parcs de la ville de Bressanone ou des communes voisines. Il s’agit par exemple d’érables du Japon, de chênes ou encore de ginkgos.

PS – J’avais justement les Dolomites en tête pour des vacances l’an prochain. Tout de suite, elle évoque le sur-tourisme : dans son village, les foules débarquent en car pour une seule journée, et repartent. Elle dit se réfugier dans son atelier. Ça ne donne pas hyper envie…
Re-PS – En France, Alyssa Joss, elle, fabrique du textile à partir de feuilles mortes. Impressionnant.

5- Beaucoup moins de stands qu’il y a un an : la crise, la crise, la crise.

Lancer une marque aujourd’hui ? Pas facile. Je le savais mais j’en ai eu la preuve en direct.

6- Coup de coeur pour les patères en plastique recyclé de Warren & Laetitia.

Je connaissais bien leur lampe Gigi, mais je préfère d’ailleurs leur nouveau modèle Romi (149€), qui s’imbrique comme bon vous semble. J’ai aussi beaucoup aimé leurs vases (à partir de 31€)double bougeoirs (bougie chauffe plat / chandelle) assez ingénieux. Objets de la marque imprimés en 3D à Paris.

7- Je n’ai suivi qu’un talk, celui de Jérémy Pradier Jeauneau.

Une personne hyper curieuse et inspirante, qui semble, en plus, accessible. Il nous a rappelé que « la lumière des autres ne m’empêche pas de briller, moi » et que « si vous ne demandez pas les choses, on ne peut pas vous les donner. Si on ne formule pas, on n’a pas. » Never forget : rien ne tombe du ciel. Hum.

8- Une apparition venue de Taiwan.

Alors que je courais dans tous les sens sans vraiment savoir où j’allais, je suis passée en slow motion devant ces luminaires flottants d’Eshen Ceramics. Beau ! Made in Taiwan.

9- Coup de cœur pour les mobiles de la marque norvégienne Flensted, une entreprise familiale danoise qui existe depuis 1953.

Oui, des mobiles décoratifs pour adultes, j’adore l’idée. À mettre dans le coin d’une pièce où il ne se passe pas grand chose. J’avais déjà repéré les mobiles en bois et céramique d’Epoca, mais ceux-ci sont très différents, plus colorés, esprit bauhaus. Et il y a 200 modèles : des montgolfières, des poissons, des bouches, des oiseaux, des nuages, des confettis. Mobiles figuratifs et abstraits. Faits à la main au Danemark sur l’île de Fionie. Un mouvement apaisant idéal pour les têtes nuageuses ou sur stimulées + ils avaient un avantage parmi les centaines de stands figés autour : c’était le seul en mouvement.

10 - L’aménagement des stands, parlons-en.

Comment faire s’arrêter les passants qui ne savent plus où donner de la tête ? Comment se différencier ? L’année dernière, Ana et Catalina de la superbe marque Chamusquina m’avaient expliqué qu’elles avaient monté un fond tout noir pour mettre en valeur leurs luminaires et créer une atmosphère qui attire et qui retient sur seulement quelques mètres carrés.

Cette année, j’ai donc remarqué le stand des mobiles, en mouvement, mais aussi les “voiles” bariolées de mapoesie, et les nappes de Maison Dinette présentées comme des robes. Geste créatif et intelligent, puisque les passants les prennent plus volontairement en photo.

11- Life is too short for boring chairs

AP Collection

Sinon, faites des fauteuils comme ça et vous êtes sûr que les gens s’arrêteront !

12- Toujours aussi admirative du travail de la marque Ensemble et de la passion du duo mère-fille qui est derrière.

Je vous ai déjà parlé de cette marque innovante qui fait des merveilles avec des tissus dormants (visite de l’appartement de Pascale, la créatrice, ici). Les assemblages sont harmonieux, les motifs subtils, le travail énorme : trouver le textile, imaginer ce qu’il va devenir, créer les assemblages, coudre à la mano chaque produit, convaincre les magasins de commander des grands stocks de produits uniques, leur demander de vous faire confiance sur les couleurs et les matières puisqu’aucun produit n’existe en double, trouver des idées de nouveaux produits. Après les nappes et sets de table, cette année j’ai découvert des tabliers et des bavoirs stylés (je ne pensais pas écrire ça un jour). Elles font aussi de superbes bouillottes qui restent chaudes longtemps (les lentilles remplacent les noyaux de cerise, apparemment ça marche mieux), font maintenant des chemises, des sacs etc etc. Sur ce stand, l’enthousiasme et la créativité ne meurent jamais.


Produits uniques oblige, le e-shop n’est pas représentatif de leurs créations. Retrouvez ici la liste des revendeurs.

13- Diddle is back.

Ainsi que les lava lamps. Et les boules à facettes sont partout. Je pense que ce sont trois petites nouvelles qui méritent d’être partagées avec vous.

14- Les mini vases muraux de Walleaf

Des petits vases en verre qui s’accrochent aux murs avec des aimants : jolis, pratiques. Des couleurs, tailles, formes différentes. Un cadeau gadget sympa. Et en plus, pas de murs à percer, de clous à enfoncer… Pack de 3 : 29,95€.

15- Assez bluffée par Q de bouteilles qui arrive à bien se renouveler.

Cette année, découverte de leurs lampes faites avec le designer Theo Charasse (vous les avez sûrement vu passer). Et leur nouveau revêtement en verre recyclé.

Bon, et dans le train du retour, j’ai commencé à écumer les interviews d’Amélie Pichard. Ça m’a requinqué pour tout le mois de septembre.

Voici quelques fun facts :

-   Amélie Pichard travaille de son lit (comme toi Mathilde de C – mon amie qui a la très drôle newsletter La Chronasse (on vous prépare une newsletter spéciale déco, tenez-vous prêts). Mais attention chers lecteurs, Amélie Pichard précise que les idées NE VIENNENT PAS DANS SON LIT devant l’ordi, mais bien lorsqu’elle est en mouvement. Pour marcher sans même avoir besoin de sortir de chez elle, elle a d’ailleurs acheté un tapis de marche qu’elle met au pied de son lit dans sa maison en Normandie (très utile lorsqu’il y a une invasion de tiques dans la forêt près de chez elle). J’ai récemment lu quelque part qu’Amélie Nothomb aussi trouvait toutes ses idées en faisant la vaisselle. Si ça peut vous motiver.

- Elle a monté sa marque de chaussures et sacs qu’elle a porté à bout de bras pendant 13 ans. Depuis le début, elle entreprend en s’écoutant (“j’ai toujours considéré ma marque comme un laboratoire, pas comme une entreprise. Peut-être que c’était une erreur… ou ma plus grande force”), elle a été l’une des premières à créer sacs et chaussures avec du cuir vegan. Après en avoir bavé (“j’ai touché les ailes des anges et les flammes des enfers en même temps. C’est ça l’entrepreneuriat”) et compris les limites (elle ne souhaite pas pousser sa clientèle à la consommation) elle se demande : “getting bigger or getting better ?”. Ne souhaitant plus dépendre de l’acte d’achat d’autrui, elle décide que sa marque sera “non pas le gâteau de ma vie mais la cerise sur le gâteau de ma vie”. Elle n’a pas fermé la marque, mais a fermé son site. Ça l'a libéré et aujourd’hui, elle se consacre à “Synthétique”. Désormais, elle explore des formes plurielles de création : curating, consulting, collaborations artistiques, et réflexions sur de nouvelles façons d’habiter et de produire.

- Allez voir son site (“a website closed 300 days a year”). 

- Chez elle, elle n’a pas de table basse, mais un matelas devant sa cheminée. Elle ne met rien au mur car part du principe que toutes ses fenêtres vers l’extérieur sont des tableaux. De manière générale, elle embrasse l’idée de la maison qui n’est pas terminée, cf Maison & Objet. Tous les 6 mois, elle change son intérieur, c’est pour ça qu’elle n’a rien de trop cher, trop fragile. Elle veut que tout soit modulable et facile à bouger.

- Point intéressant : alors que la maison d’hôte vend un certain rêve de convivialité (convivialité dont, je trouve, on a de plus en plus besoin dans un monde très digitalisé) avec le partage du petit dej, les conseils personnalisés, les rencontres etc, pour Amélie Pichard, l’avenir, c’est plutôt l’autonomie (check-in autonome pour plus de tranquillité, pas besoin de tchatcher, etc). Tu ne veux pas qu’on te presse, tu veux arriver quand tu veux. Par ailleurs, pour elle, pas besoin que quelqu’un incarne un lieu pour qu’il ait de l’âme. Incarner un lieu, c’est plutôt dangereux (dépendance). L’âme, elle, se trouve ailleurs, par exemple dans les quelques livres bien choisis laissés dans la bibliothèque. Interesting.

- Elle ne cherche pas à plaire. Plaire à tout le monde, ça veut dire que l’on fait quelque chose de consensuel : “ça veut dire qu’on est trop dans l’air du temps”.

- Elle dit que son style, c’est une rencontre entre zézette dans Le Père Noel est une ordure et le chanteur Renaud. Renaud, c’est d’ailleurs tout pour elle. “Je n'aime pas les langues de bois, et Renaud, il représente ça”. Elle est aussi fan de Paméla Anderson, avec qui elle a fait une collaboration (“quand on regarde de plus près, Pamela Anderson n’est pas juste une icône de mon enfance, c’est avant tout une femme engagée dans l’écologie depuis plus de 20 ans, indépendante, qui n’a pas besoin de 15 000 agents derrière elle”). Renaud-Pamela : la passion des contrastes. “Les contrastes, c’est ça la vie”.

Et ça continue, encore et encore…

Ressources :
- Amelie Pichard, Galères, succès et la vérité sur la mode, The Bold Way, 1h07
- Amélie Pichard, Synthétique, Lobby Talks, 1h04
- Amélie Pichard, créatrice : Dans la mode, faire des jolies choses pour faire des jolies choses, c’est fini !”, Une journée particulière, France Inter, 54’51
- Stylé : Amélie Pichard nous ouvre les portes de sa maison, Decodeur, 59’23

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